- La Libr’Art du 22.02.2023 (extraits) – R.P. Turine
« Cʼest dire si en cette terre, qui fut minière et industrielle, les anciens terrils, reconvertis en collines boisées, soufflent toujours le chaud et le froid, réactivent les consciences sur un passé qui fut laborieux et tenace. Une étonnante vidéo (prises de vue de Luc Warnier, montage et sonorisation de (Myster/) déroule des images de la colline de Bonne-Fortune prises par un drone, les percussions sonores les enveloppant de mystères sous la couche charbonnière.
Cette plongée dans les entrailles dʼun témoin heureusement sauvegardé ravive des pensées qui ne sont pas sans rapport avec le monde déshumanisé qui nous assaille de toutes parts.
À deux pas de cette installation, en retrait, mais visible de loin par la noirceur dʼun graphisme appuyé par le cri des mots, un mur en quinconce recouvert de lettres qui parfois se superposent.
Œuvre commune des belligérants, il reproduit un long texte du collectif MZ, retranscrit à la peinture noire par chacun des membres. Ce nʼest pas drôle, cʼest émouvant. Percutant : « Noires les hosties de la mine, Tempêtes de suie orages de fer, Ombres des mains souillées de poussière, Affolées étranglées écartelées damnées, Comme un refus des oiseaux. »
On pense au fulgurant Germinal, de Zola, à une époque où des hommes, mais aussi des femmes, des enfants, des chevaux descendaient dans les profondeurs dʼune terre hostile… Pour que dʼautres, tellement mieux nantis, en tirent profit. Le profit de la honte. La fin du texte rugit ainsi : « Jʼimagine lʼhorizon froid Flottant sur lʼeau entre deux mondes Plaintes molles cendres du désir, Des tremblements traversent le brouillard, Il y a des êtres qui crient leur absence, Comme un refus des oiseaux. »
Exposition plastique réussie, la démonstration est aussi physique, psychique, sourde aux complaisances.
Ce qui nʼexclut, certes, pas la profondeur de lʼimplication. À lʼimpression numérique intitulée Bernalmont, de (Myster/), sorte dʼentre ciel et terre révélateur dʼun terril couvert de mystère, répond, entre-deux, rythmé de sons des abysses, la performance de Pad Ryce, corps immergé sous le tissu noir de la nuit, qui tente de retrouver la lumière. Une métaphore de la vie !
Les Considérations charbonneuses, textile, plastique et polystyrène, de Lilla Lazzari et son Or des fous sont dʼautres variantes dʼune plongée dans le creux du nifé. La série de Black Mountains , de Cori Entringer, double des paysages neigeux de peinture noire menaçante, quand, enfin, avec ses Racines noires et paysages sombres, Nelly Haikal met lʼencaustique au service de racines noires. Les racines du temps ? »
- L’Eventail – mars 2023
- [Collect] – mars 2023
- La Libr’Art du 10.11.2021 (extraits) – R.P. Turine
COMME UN REFUS DES OISEAUX
Performance, vidéo, installations
« Il est peut-être bon, sain, salutaire de démarrer la visite de l’exposition par le visionnement d’une vidéo qui, tout en bout de piste, présentée de guingois, en sorte d’apnée triangulaire, nous montre ces joyeux saltimbanques, de gauche toute, ahanant en tirant en cercle, un fil rouge qui les mène au sommet de leur terril… Ce pourrait être la dance de Matisse, c’est bien pire. C’est l’exaltation d’un souvenir qui vouait l’homme à n’être que bête de somme pour le bonheur et le réchauffement de quelques uns…
La performance n’a l’air de rien, elle touche au cœur de la vérité. Vues prises d’en haut, par drone, vues à raz de terre, de traviole, de partout, le cheminement douloureux on le pressent, noble mais lancinant, est, d’attaque un geste de refus. Le refus d’une condition de l’homme réduite à néant.
A côté il y a le tas de blocs noirs, blocs de mousse tranchés au couteau électrique, terril à hue et à dia, de Pad Ryce, effets concluants. Il y a des peintures rouges de sang, noires de suie, de Sylvia Torrens, la sculpture et les photos oppressantes, « I can’t Breathe » (Je ne peux respirer) de Cori Entringer, le leporello « Terrils en boîtes » d’allumettes de Nelly Haikal, le « Black Sabbath » de [Myster/] et le reste, signé mz-collectif toujours signifiant. »